Les tatouages polynésiens : entre tradition, culture et identité

Mar 14, 2023 | Polynésie Française

Si on ne compte plus les européens qui arborent des tatouages maoris, rares sont ceux qui en connaissent vraiment la signification. Lors de notre voyage aux « îles du bout du monde » nous avons eu l’occasion de découvrir les traditions du tatouage polynésien qui, plus qu’une simple décoration, est à la fois symbole d’une culture et d’une identité unique au monde.

La polynésie, berceau mythique du tatouage

Bien que de nombreux pays revendiquent l’invention du tatouage, c’est bien en Polynésie que les européens ont découvert cet art. Il aura fallu attendre 1770 et la deuxième exploration du capitaine Cook dans le pacifique pour que les européens découvrent cette tradition ancestrale. Le mot tatouage provient du tahitien « tatau » qui a pour signification dessiner et marquer ainsi que de « Ta-atuas » (« ta » signifiant dessin et « Atua » « esprit et dieu »). Par la suite, le traducteur qui accompagna le capitaine Cook transforma le mot en « tatoo » avant qu’il ne soit francisé en « tatouage ».
Comme vous le savez si vous avez lu notre article sur la culture polynésienne (ici) les polynésiens sont très croyants et accordent une importance toute particulière aux légendes divines. Les tatouages ne font pas exception. Bien que diverses légendes expliquent l’origine de cette tradition, elles ont toutes en commun d’avoir attrait à dieu. On retiendra la plus répandue selon laquelle ce sont Mata Mata Arahu et Tu Ra’i Po, fils du dieu Ta’aroa, créateur du monde selon les polynésiens, qui furent les premiers à être tatoués. Ils se seraient tatoués pour séduire la première femme au monde « Hina Ere Ere Manua » et aussi pour garder un lien avec leurs origines divines. C’est ainsi que les deux frères, dieux artisans, devinrent les divinités polynésiennes du tatouage.

Plus qu’une décoration, une carte d’identité

Bien que les polynésiens voient dans les tatouages des outils de séduction, ils ne sacrifient aucunement leur signification en les utilisant aussi à des fins narratives pour raconter leur histoire à ceux qui les voient. Pour donner quelques exemples, il faut savoir qu’une ligne avec des triangles signifie qu’on est originaire d’une île volcanique, alors qu’une ligne avec des rectangles signifie que l’on vient d’un lagon. Une raie manta sera principalement arborée par des individus calme, disposant d’un fort mana mais qui préfèrent la discrétion. A l’inverse, les dents de requins représentent des individus sûrs d’eux qui apprécieront l’action. Ainsi on ne se fait pas tatouer n’importe quoi en polynésie, et surtout on se fait pas tatouer n’importe où !
Dans les tatouages traditionnels chaque emplacement à une signification. La tête et les épaules étant nos premiers liens avec Dieu, seront principalement utilisées pour les motifs religieux. Le torse et le buste représentant notre cœur et ce que nous sommes profondément, seront eux utilisés pour la famille et la générosité. Les bras servant à créer seront eux les emplacements privilégiés pour décrire son métier, ou encore ses faits d’armes remarquables. Les jambes enfin marquent logiquement le lien avec mère nature mais aussi l’avancement et le changement que chaque individu souhaite incarner. Ainsi, en regardant le tatouage d’un polynésien, ces compères peuvent aisément savoir de quelle île vient l’individu, quels sont ses principaux traits de caractères, ou encore quel est son métier.

Un processus douloureux marqueur de passage à l’adulte

Pour les polynésiens il était impensable de ne pas être tatoué. Celui qui n’arbore aucun tatouage serait à la fois un païen sans attache spirituelle mais surtout un lâche qui n’aurait pas enduré la douleur de la tradition. Il faut le dire, les rites ancestraux de tatouage ne donnent pas vraiment envie… Les tatouages polynésiens étaient réalisés grâce à des dents de requins ou encore des écailles de tortues formant un peigne avec un manche en bois. L’outil était alors trempé dans un mélange d’huile de coco et de charbon avant d’être martelé sur le corps de l’individu à l’aide d’un burin pour faire pénétrer l’encre sous la peau. Malheureusement de nombreux polynésiens seraient morts des suite des infections liées à leurs tatouages. Celui qui n’aurait pas survécu à ce rite de passage à l’adulte aurait été vu comme non méritant aux yeux des dieux.

Une tradition si forte qu’elle fût interdite avant d’être célébrée

Suite à la conversion du roi Pomaré au catholicisme (voir notre article sur l’histoire de la Polynésie), les européens tentèrent de combattre tout motif historique de la culture polynésienne. Ainsi, les tatouages furent interdits, de la même façon on obligea les polynésiens à porter des vêtements et à devenir chrétiens. Il faudra attendre les années 1980 pour que les tatouages fassent leur retour en masse sur les corps des polynésiens. Aujourd’hui les tatouages polynésiens ont traversé les océans et sont visibles aux quatre coins du monde. Cependant, on espère que cet article vous aura permis de comprendre l’unicité incroyable des tatouages polynésiens. Si vous êtes tentés par ce rite culturel, sachez qu’il ne vous servira à rien de venir avec un modèle. Comme nous le disait un tatoueur qu’on a rencontré à Moorea « il m’est impensable de reproduire un modèle de tatouage, ça serait comme voler l’histoire d’un homme ». Et évidemment il n’en faudrait pas plus pour s’attirer le courroux des dieux et risquer de perdre son mana.

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