Khara et koshi, un couple atypique rencontré au japon

Lors de notre voyage nous avons souvent dormi chez l’habitant. Au-delà d’un simple gain économique, c’est souvent dans ces situations que nous en avons le plus appris sur la culture des pays où nous nous trouvions. Cependant, les japonais étant très timides et réservés, nous avons eu énormément de mal à trouver des hôtes potentiels. On ne vous cache que quand Koshi et Khara ont proposé de nous héberger pour trois nuits à Kanazawa nous étions aux anges. Non seulement nous avions un hébergement mais surtout nous avions l’occasion de discuter avec un couple original. Khara est une américaine qui s’était rendue au Japon en 1998 avant d’y retourner en 2018 et de rencontrer Koshi. Aujourd’hui, elle travaille dans une ferme dans la campagne de Kanazawa quant à Koshi, il est développeur commercial dans une start-up. Aux antipodes culturels l’uns de l’autre, ils prouvent que l’amour n’a pas de frontières et que les mélanges de culture sont bénéfiques pour les deux. Après tant d’heures passées à discuter avec eux, nous avons voulu réaliser une interview croisée de ce couple si atypique et attachant.

Khara, pour quelle raison es-tu venue au Japon la première fois ?

Durant mes études j’ai étudié les langues et le japonais m’a toujours attiré. J’ai eu l’occasion de m’y rendre en 1998 et j’ai tout de suite adoré ce pays mais j’étais un peu trop « agitée » pour m’y installer. Ici, tout est calme, ordre et retenue… Je me suis dit que j’y reviendrai plus tard quand j’aurais envie de me poser. Je savais que le Japon allait me calmer et c’est ce qui s’est passé.

Comment s’est passé ta deuxième arrivée au Japon ? As-tu eu du mal à trouver du travail ? Le Japon a-t-il changé en vingt ans ?

La seule chose qui a changé au Japon c’est la mixité ethnique. Il y a vingt ans on ne voyait qu’un « type » de japonais, aujourd’hui on voit de plus en plus d’enfants issus d’autres origines et ça prouve que le Japon s’ouvre mais lentement. Concernant mon travail, je n’ai pas eu tant de mal que ça à trouver car ils sont en manque de professeur d’anglais. Cependant ce travail ne me plaisait pas du tout. Je détestais leur méthode d’apprentissage. Ils se concentrent sur l’écrit et sur du vocabulaire qu’ils n’utilisent jamais. Je ne pensais rester que trois ans mais j’ai rencontré Koshi on s’est mariés et j’ai donc pris le temps de chercher un autre travail qui me plaisait plus, c’est comme ça que j’ai atterri à la ferme de Kanazawa (elle travaillait auparavant dans une ferme aux Etats-Unis en tant qu’apiculteur).

Effectivement on a découvert avec beaucoup de surprise que les japonais parlent très peu anglais. A quoi cela est-il dû selon vous ?

Koshi : La timidité. Comme beaucoup de choses au Japon cela s’explique par la timidité et la retenue. Ils ont très peur de parler à des étrangers, de découvrir la culture des autres. Mais je pense que le pire pour eux serait de faire une faute en anglais en s’adressant à vous. Cela pourrait leur apporter la honte sur la famille, ce qui est la pire chose pour un japonais (Khara rigole). Après je pense qu’il faut aussi prendre en compte que le tourisme au Japon est très récent. Avant les années 2000 il n y avait que très peu de touristes qui venaient. Nous apprenons donc progressivement à nous ouvrir aux cultures étrangères.

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Koshi, comment ta relation avec Khara a-t-elle été perçue par tes proches ?

Khara : Difficile à dire. Je pense qu’ils sont surtout surpris car pour les japonais les femmes blanches sont des femmes faciles et pas sérieuses. Alors qu’à l’inverse beaucoup de femmes japonaises rêvent de rencontrer un homme européen qui sont vus comme plus progressistes que les japonais.

Koshi : Quand j’ai rencontré Khara pour la première fois elle m’a tout de suite semblé être une femme très libre. Elle ressemblait à une hippie et ça me plaisait beaucoup. On ne s’était encore jamais rencontrés mais je savais qu’elle aimait beaucoup les fleurs, j’allais donc au jardin des roses et je lui envoyais une photo de fleurs chaque jour puis de fil en aiguille j’ai appris à la connaître. J’ai tout de suite été impressionné par ses connaissances en agriculture, notamment le fait qu’elle sache s’occuper des racines de lotus ! J’ai prévenu mes parents que j’étais avec elle une semaine avant que je ne l’amène dans mon village natal. Au Japon c’est très sérieux, on ne présente pas toutes ses copines à la famille. Mon père est professeur d’anglais à l’université, il était donc ravi que je sorte avec une américaine. Ma mère avait peur de ne pas pouvoir communiquer mais elle s’est détendue en voyant que Khara parlait japonais.

Khara : Même si au début je faisais croire à ton père que je ne parlais qu’anglais pour lui faire plaisir !

Khara, maintenant que tu es bilingue japonais, que tu vis ici, que tu es mariée à un japonais te sens-tu intégrée dans la société japonaise ?

J’ai quelques amis proches mais non je ne serai jamais une japonaise pour les japonais et ça me va très bien ! Comme vous avez pu le voir je suis plutôt du genre directe comme femme et ça, les japonais n’aiment pas. Franchement vivre avec toutes leurs normes et règles explicites et implicites ça ne me tente pas du tout ! Mon processus de pensée reste 100% américain. Je n’ai pas toutes ces petites nuances culturelles et linguistiques qu’ils utilisent au quotidien.

Mais aujourd’hui, votre maison semble assez proche des logements japonais traditionnels, diriez-vous que vous vivez comme des japonais normaux ?

Koshi : Non. Je ne pense pas que nous vivons comme des japonais. Nous vivons de notre propre façon, beaucoup plus libre que les japonais. Au Japon, il y a vraiment un schéma bien établi. Avec un homme qui travaille, une femme qui s’occupe de la maison et des enfants. Moi par exemple, je réalise beaucoup plus de corvées que les hommes japonais et cela surprend les autres. Ce schéma établi depuis des siècles ne change que timidement avec les gens les plus éduqués.

Koshi, maintenant que tu es marié à une américaine, te sens-tu différent des japonais ?

Je ne crois pas… Enfin c’est juste une différence de perception de ma vie. Je me sens libre avec elle car elle n’accorde pas tant d’importance aux valeurs traditionnelles japonaises. Je pense que ca m’a changé mais d’une bonne façon. Avant j’étais très réservé, trop timide.. C’est d’ailleurs pour ça que je m’étais lancé dans le commerce pour me forcer à parler et à aller vers les autres. Aujourd’hui je n’ai plus de problème à parler aux étrangers. Et je pense que tout est une histoire de contexte. Au Japon nous avons besoin de contexte pour être libre, comme dans les bains ou dans un bar et c’est dommage (c’est dans ces endroits que les japonais ont pour habitude de discuter librement et sans normes sociales). Je pense que beaucoup de japonais ont peur de vous parler mais seraient ravis d’échanger avec vous une fois que vous aurez brisé la glace.

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