plongée au coeur des tribus indigènes de la Sierra Nevada

C’est lors d’un trek de quatre jours à la recherche de la cité perdue que nous avons eu l’occasion d’en apprendre plus sur les différentes tribus indigènes qui habitent la Sierra Nevada. Tout au long de la cordillère des Andes, Wiwas, Koguis, Arhuacos et Kakuamos vivent encore au cœur de la nature, isolés du monde que nous connaissons.


Des tribus qui ont frôlé l’extinction

Ces tribus sont des descendantes des Tayronas, une ancienne civilisation amérindienne qui fut massacrée lors de l’arrivée des conquistadores espagnols au XVIème siècle. Ces affrontements furent si terribles qu’en 1550 près de 80% des Tayronas avaient disparu. Avant l’arrivée des colons espagnols, les Tayronas vivaient au cœur de la Sierra Nevada de Santa Marta autour de la fameuse Ciudad Perdida (cité perdue) que nous avons eu la chance de visiter.

A l’apogée de leur histoire, les Tayronas survivaient grâce à l’implantation stratégique de la Ciudad Perdida. De par sa localisation, la cité était le haut-lieu des échanges commerciaux de la région. Cependant c’est aussi grâce à son architecture constituée de terrasses à flanc de montagne qui permettaient d’optimiser les cultures de manioc et de maïs que les Tayronas prospèrent pendant plusieurs siècles.

Aujourd’hui ces populations doivent faire face à de nombreuses difficultés pour garder leur territoire ainsi que leur mode de vie intact. Les premières difficultés viennent de l’intérieur du pays. Les tribus indigènes se sont retrouvées prises au piège dans la guerre entre guérilleros, paramilitaires et l’armée colombienne. En effet, avec sa localisation très reculée et difficile d’accès, la Sierra Nevada a été pendant longtemps le repère des guérilleros qui ont rasé une partie des arbres pour faire pousser et commercialiser la marijuana dans les années 50 puis la cocaïne dans les années 80.

Ces groupes armés n’ont eu aucun scrupule à attaquer directement les tribus indigènes en les poussant à quitter leur habitat historique et à aller se réfugier dans les hauteurs de la Sierra Nevada. La situation fut si terrible qu’en 2005 les Nations Unies ont appelé le gouvernement colombien à prendre des mesures pour protéger les communautés indigènes et cesser d’impliquer les civils dans les conflits entre l’armée et les paramilitaires.

Des tribus pacifistes qui vivent en harmonie avec la nature

Si les Kogis et les Wiwas sont tant attachés à la Sierra Nevada c’est parce que dans leurs croyances ces montagnes représentent « le cœur du monde ». Ils croient en une divinité vivante de la terre appelée Seneka. Selon eux ce dieu naturel est un organisme vivant pouvant être comparé à un corps humain avec les sommets des montagnes comme tête, les plateaux le corps, les rivières les veines et l’herbe les poils. A la façon d’un corps humain il est vital de préserver et de protéger chaque élément de ce corps imaginaire au risque de voir la santé de la terre mère se dégrader.

Les Kogis jouent un rôle clé dans cette conversation de la nature. Ils s’autoproclament « gardiens de la terre » ou encore « grands frères de l’humanité » et voient les occidentaux comme les « petits frères » qui furent, selon une légende, bannis des terres sacrées après les avoir saccagées en enchaînant les constructions.

Les Kogis évoluent donc avec une grande méfiance envers le monde industrialisé et préfèrent s’en couper totalement. Certains des membres de la tribu ont essayé de se livrer au commerce du café équitable cependant le reste de la tribu a décidé d’interdire cette pratique en refusant toute activité commerciale et en rappelant qu’ils n’ont que faire d’obtenir de l’argent matériel.

De leurs habitations, à leurs vêtements en passant par la nourriture, tout provient de la terre mère. Les robes blanches qu’ils portent, représentant la pureté, sont tissées à partir de fil de bananier, les maison sont faites en éléments végétaux et la nourriture est évidemment issue de l’agriculture. Le plus intéressant est que malgré une utilisation forte des ressources naturelles, les Kogis se sentent redevables envers mère nature.
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Une vie sociale égalitaire et juste pour tous

Au sein des tribus tout le monde est égal et a le droit de parole. Seuls les guides spirituels appelés Mamos échappent à cette règle. Ce qui est intéressant est qu’alors qu’ils en ont l’autorité les Mamos ne sont pas des chefs qui donnent des ordres aux Kogis. Ce sont des conseillers que les Kogis viennent consulter à chaque étape clé de leurs vies (demande en mariage, volonté d’avoir un enfant, construire une maison…). On reconnaît les Mamos aux bonnets qu’ils sont les seuls à pouvoir porter. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les différentes tribus peuvent se reconnaître à leur couvre chefs dont la taille varie en fonction de l’altitude à laquelle ils vivent.

Concernant les décisions collectives, elles sont prises en groupe après des discussions pouvant durer plusieurs semaines. Il existe même un lieu spécial pour tenir ces discussions. Alors que toutes les maisons sont de tailles similaires, chaque village en possède une bien plus grande appelée « Nuhue ». Cet endroit tient le rôle d’agora pour les indigènes. Les hommes s’y retrouvent principalement la nuit et discutent pendant des heures et des jours des décisions importantes du village. Tout est fait pour que personne ne soit lésé. Au sein de la société chaque individu est aussi important que son voisin et cette recherche de l’intérêt collectif ne se fera jamais au détriment de l’intérêt d’un individu.

Méditation et travail manuel

La majorité du quotidien des tribus indigènes est faite de deux activités principales : la méditation et le travail manuel. Concernant ce dernier, les hommes ont pour habitude de travailler dans les champs et de créer de nouvelles infrastructures pendant que les femmes vont elles, se concentrer sur des travaux de couture pour préparer de nouvelles tuniques et sacs en fil de bananier. Ces sacs sont particulièrement importants pour les hommes car ils vont leur permettre de transporter leur feuilles de coca qu’ils mastiquent toute la journée. Cette pratique n’a aucune conséquence hallucinogène. Cette mastication est censée aider les hommes à se concentrer plus longuement, à couper la faim, et surtout à se connecter avec la terre mère. Les feuilles de coca servent aussi aux hommes à se dire bonjour ! Lorsque deux hommes se rencontrent, ils ne se serrent pas la main mais s’échangent des feuilles de coca.

Lorsqu’ils ne travaillent pas dans les champs, les hommes s’adonnent donc à leur autre activité favorite : la méditation. Cette pratique est au cœur des activités des Kogis et se réalise principalement à l’aide du poporo. Il s’agit d’une calebasse en bois avec un trou au milieu que les hommes vont affûter tout au long de leur vie. Ils mastiquent la feuille de coca, lèchent le bout de bois puis viennent gratter ce-dernier sur les contours de la calebasse. Cette activité qui peut paraître rébarbative est faite pour occuper les mains et libérer l’esprit. Chaque homme reçoit un poporo à ses 18 ans et devra le conserver toute sa vie. Comme nous le confiait un membre de la communauté Wiwa, le poporo est leur passeport à eux.

Lors du passage de l’adolescence à lâge adulte chaque homme va passer du temps en concubinage avec une femme de plus de quarante ans, généralement veuve, dans le but d’apprendre à être un bon chef de foyer. La durée de ce concubinage varie selon les tribus (de quelques mois chez les Kogis à plus de 2 ans chez les Wiwas).

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Une civilisation sage dont nous pourrions nous inspirer

S’il est vrai que pour nous autres occidentaux le mode de vie de Kogis peut paraître primitif, nous avons malgré tout de précieuses leçons à tirer de leur façon de vivre. Depuis des années, ils se battent contre le réchauffement climatique et prônent une société égalitaire. Si évidemment nous n’allons pas retourner aux temps de la bougie on pourrait essayer, nous aussi, de limiter les conséquences de nos actions sur l’environnement. Par exemple, lorsque les Kogis ont besoin de couper un arbre pour réaliser un pont ils en plantent deux par la suite pour se faire pardonner auprès de mère nature. Ce type d’actions simples, pourraient nous permettre de ne pas chambouler notre mode de vie et d’arrêter de dégrader « mère nature » et surtout le monde qu’on laissera aux générations futures.

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