Initialement prévu autour de l’été 2020 notre départ en tour du monde a été retardé d’un peu plus d’un an à cause d’une sombre histoire de pandémie mondiale ou d’un truc du genre bref… Mais le bonheur dans notre malheur est que grâce au covid nous avons pu commencer notre tour du monde par les fameuses célébrations de dia de muertos au Mexique dès le 29 Octobre 2021.
Avant de rentrer dans le détail de tout ce que nous avons pu vivre lors de cette cérémonie si particulière, il est peut-être judicieux de remettre un peu de contexte.
Dia de muertos c’est la Toussaint mexicaine non ?
Première erreur !
On pourrait penser qu’en raison des similitudes de dates et de finalités (célébrer les morts) qu’il s’agit d’une seule et même célébration et bien non! En réalité, dia de muertos est une célébration qui remonte à plus de 3000 ans au temps des Aztèques et qui avait lieu plusieurs fois dans l’année. Ce n’est qu’après l’arrivée des colons Espagnols au XVème siècle que ces célébrations ont fusionné pour donner le dia de muertos tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Bien que les célébrations puissent s’étaler sur une semaine, la fête originelle a lieu pendant deux jours, le 1er novembre pour célébrer les enfants défunts (Miccaihuitontli) et le 2 novembre pour les adultes (Hueymiccalhuitl). Cependant on a même vu le 31 octobre des autels pour les animaux défunts à Mexico. En fait, tout le monde a droit au repos éternel !
Dia de muertos c’est quoi en fait ?
Pour les civilisations mésoaméricaines la mort n’a jamais été une raison de se lamenter mais bien une occasion de se rassembler avec ceux que l’on aime et de célébrer, dans la joie et l’allégresse, ceux qui nous ont quittés. A cette occasion on peut donc apercevoir des familles riant et buvant de l’alcool dans des cimetières autour des tombes des défunts. A leur domicile, chaque famille se rassemble et crée des autels en l’honneur de leurs proches décédés. Ces autels ont pour but d’assurer le repos éternel des défunts mais aussi de remonter le moral des vivants. Ils sont composés de plusieurs éléments ayant tous un rôle particulier pour que les âmes puissent accéder au repos éternel.
Les fleurs cempasuchil (qui ressemblent à des chrysanthèmes) ornent tous les autels et sont aussi disposées dans les rues de façon à indiquer aux défunts le chemin jusqu’à ces-derniers.
Au pied des autels on retrouve aussi souvent le « pain des morts » qui est une sorte de petite brioche sucrée sur lesquelles se trouvent une croix religieuse, du sel qui est vu comme un élément purificateur pour les âmes et de l’eau pour apaiser la soif des âmes lors de leur long voyage vers le repos éternel. Moins extravagant pour nous autres occidentaux, les mexicains entourent souvent leurs autels de bougies et d’encens. Enfin, pour compléter ces autels, les vivants déposent toutes sortes de mets et de boissons qui étaient appréciées par ceux qu’ils célèbrent. C’est pourquoi il ne faut pas être surpris si on aperçoit du coca ou encore du mezcal au pied des autels. Enfin, viennent les Catrinas, ces représentations en formes de squelettes aux couleurs vives et aux vêtements bariolés qui représentent, comme vous l’aurez deviné, la mort !
Bon et nous dans tout ça ?
En arrivant à Mexico City le 28 octobre nous étions très excités à l’idée d’assister au défilé qui a lieu dans la ville le 1 novembre. Cependant notre excitation a été de courte durée. On a tout d’abord appris que ce défilé n’existe que depuis 2016 suite au film de James Bond « Spectre » qui commence par une course poursuite dantesque au milieu d’un défilé où se suivent différents chars en forme de tête de mort. Il s’agit donc purement d’un défilé commercial ayant pour but de relancer le tourisme dans la capitale mexicaine mais nous y reviendrons par la suite.
Deuxième mauvaise surprise ? Nous pensions avoir, depuis notre airbnb, une vue parfaite sur le défilé à travers la grande Avenida Juarez (en hommage à Benito Juarez, premier président Mexicain indigène) et bien raté ! A la dernière minute la fanfare a choisi de passer par la rue parallèle (les locaux à qui nous en avons parlé nous ont dit que les mexicains sont plutôt coutumiers de ce genre de changement de dernière minute). Pas de chance, on a donc enfilé nos baskets en vitesse et direction le centre de la ville. Là on s’est vraiment rendu compte de l’effervescence qui s’empare des rues de Mexico City. La foule est d’une densité assez dingue à tel point que nous avons marché une dizaine de kilomètres pour trouver un endroit depuis lequel nous pouvions à peu près observer la fanfare.
Si on a aperçu des chars traditionnels (avec des catrinas et des autels très réussis), miss mexique (et miss univers 2021), ou encore des chanteurs mexicains populaires qui déchaînaient les foules on a aussi vu des chars de… Nespresso ou encore Basic Fit qui reprennent les codes de dia de muertos pour simplement faire de la publicité ! Même s’il était original de voir des squelettes soulever de la fonte ou boire des cafés vous conviendrez qu’on a connu plus authentique comme fête traditionnelle…
Le soir dans la capitale Mexicaine la fête bat son plein ! On se retrouve vraiment dans une fête d’Halloween d’une grandeur jamais vue auparavant. Bien loin des costumes traditionnels (les rares qui les portent le font pour avoir de l’argent en échange de photos) on assiste surtout à un défilé où se succèdent Spiderman, Deadpool ou encore Frankenstein. Pauline décide d’ arborer le maquillage traditionnel de de dia de los muertos, et preuve de l’aspect très commercial de la fête à Mexico City, un homme la grime en l’espace de cinq minutes pour un résultat… Pas franchement réussi !
C’est donc légèrement déçu de notre expérience que nous décidons le lendemain de quitter Mexico et de continuer les célébrations ailleurs. Il faut savoir que les festivités mises en place par les villes sont un vrai motif d’orgueil et de fierté pour les habitants. Tous les locaux que nous avons rencontrés se targuent du fait que les célébrations chez eux sont mieux que celles des autres villes. Nous avons cependant décidé d’opter pour la tradition et de nous rendre à une cinquantaine de kilomètres de Mexico à Mixquic, petit village connu comme un haut lieu de la célébration traditionnelle du dia de muertos. Ce village est si respectueux de la tradition de cette cérémonie qu’il a servi d’inspiration au dessin animé Coco. Pour l’avoir revu après notre visite, on encourage tous ceux qui souhaitent avoir une idée de ce à quoi ressemble dia de muertos, à regarder ce film tant la mise en images de cette fête est un copié collé de la réalité.
Le vrai dia de muertos : Célébration à Mixquic
En arrivant à Mixquic on voit tout de suite que nous sommes dans un endroit authentique et hautement symbolique de dia de muertos. Les murs qui entourent les petites rues pavées de la ville sont quasiment tous recouverts de magnifiques œuvres de street art en hommage à la mort. Les fleurs cempasuchil dispersées tout au long de la ville nous guident directement au sein des foyers où les habitants ont tous créé de superbes autels et nous invitent à rentrer pour les prendre en photo. C’est justement cette gentillesse ainsi que la bienveillance des locaux qui nous a surpris. On les sentait vraiment heureux que des touristes viennent ici en ce jour de dia de muertos pour en apprendre plus sur leurs traditions.
Côté célébration, fini les défilés d’Haloween et place aux authentiques festivités de dia de muertos. A l’image des maquillages (impressionants de qualité) que nous avons reçus à Mixquic tous les habitants sont maquillés à la façon des Catrinas.
La rue principale de la ville est aussi bondée que celle de Mexico City mais l’atmosphère y est résolument différente, surtout bien plus familiale. Les sourires des habitants de Mixquic se devinent sous leurs masques de Catrinas alors que nous avançons vers le cimetière, épicentre de la célébration. Malheureusement en raison du trop grand nombre de gens présents ce soir, l’accès à une partie du cimetière nous est interdite. En toute transparence, cela ne nous a pas dérangé car malgré toute la gentillesse des habitants on n’aurait pas été spécialement à l’aise à se balader dans un cimetière pour prendre en photo des locaux qui se recueillent (certes avec joie) autour des tombes de leurs proches.
Après ce bref passage dans le cimetière, nous arrivons sur la grande place de Mixquic. Autour de cet endroit débordant de charme, avec son kiosque qui surplombe l’ensemble de la place pavée, est érigée une scène sur laquelle différents spectacles traditionnels s’enchainent. On aperçoit des danseurs réaliser un spectacle au rythme d’une voix off qui retrace l’histoire de Mexico et du dia de muertos, ou encore un orchestre d’étudiants en musique, suivi d’un « vrai » orchestre symphonique qui rejouent les musiques traditionnelles mexicaines. Après ces différents spectacles les habitants de Mixquic se rassemblent tous autour de feu de joie dans la rue pour continuer les célébrations jusqu’à la fin de la nuit.
Et donc la commercialisation du dia de muertos c’est une mauvaise chose hein ?
On aimerait apporter une réponse simple à cette question mais la réalité est plus complexe que cela. D’un côté, de nombreux intellectuels mexicains s’insurgent totalement contre cette commercialisation en dénonçant une perversion de leurs traditions (et honnêtement après ce qu’on a vu à Mexico on ne peut que partager leur point de vue…). Mais d’un autre côté d’autres locaux nous ont confirmé que c’est cette récente hyper médiatisation de cet évènement qui les a poussé à maintenant célébrer dia de muertos. De la même façon, depuis le film Coco les enfants attendent tous avec impatience dia de muertos pour pouvoir se maquiller et suivre tous les rites traditionnels. Au final c’est donc un débat profond que soulève dia de muertos au Mexique : Quel prix sommes-nous prêts à payer pour conserver nos traditions ?
Une seule chose est sûre, voir tous ses gens célébrer la mort avec tant d’allégresse nous a conduit à repenser notre rapport à celle-ci. Cet évènement, vu comme tragique dans nos civilisations occidentales, est ici accueilli avec tant de fatalisme mais surtout de liesse qu’il semble que les mexicains souhaitent en fait regarder la mort droit dans les yeux et lui dire qu’ils ne se laisseront jamais abattre, qu’ils ne se morfonderont jamais et qu’ils continueront toujours non pas de pleurer mais bien de célébrer leurs défunts et… la vie ! Il ne faut pas s’y tromper, malgré les apparences, dia de muertos est en fait une grande célébration de la vie. La vie que nous menons aujourd’hui mais aussi celle des êtres chers qui nous ont quittés ainsi que tous les moments qu’on a partagés.
Ainsi, même s’il paraît aberrant pour nous autres occidentaux de voir un père porter sa fille de trois ans déguisée en squelette dans un cercueil en carton, il suffit de regarder la candeur du sourire sur le visage de la gamine pour souhaiter une longue vie à la fête des morts !
Découvrez nos autres articles
Khara et Koshi, un couple atypique rencontré au Japon
Khara et koshi, un couple atypique rencontré au japonLors de notre...
Nouvelle Zélande : entre Maoris et britanniques, histoire d’un pays déchiré
C'est après un mois passé en Polynésie que nous sommes arrivés en...
Ma retraite de méditation dans un temple Bouddhiste
Depuis plusieurs années je voulais faire une retraite de méditation...